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Témoignage

Témoignage de Stevenson, âgé de 26 ans.

« Le 20 décembre 2022 j’ai décidé de prendre la route pour aller au Mexique comme tous les migrants de nos jours en direction des Etats Unis, pour avoir une vie meilleure. J’avais déjà quitté Haïti il y a quelques années pour la République dominicaine puis pour le Chili. Mais la situation au Chili est devenue très dure pour les Haïtiens ces derniers mois, ce qui m’a poussé à prendre cette décision avec quelques amis. Mais ce ne fut pas un jeu d’enfants, ce fut une expérience très dure qui m’a beaucoup appris.

Il a fallu traverser 9 pays en bus et à pied : une journée en bus pour aller du Chili en Bolivie, deux journées en bus de Bolivie au Pérou, encore trois jours de bus du Pérou en Equateur, et une journée pour atteindre la Colombie, soit déjà 7 jours fatigants car les bus sont peu confortables, mes pieds étaient gonflés. Avec les quelques amis haïtiens qui m’accompagnaient, on a décidé de se reposer 2 jours en Colombie avant de poursuivre la partie la plus difficile du voyage.

Traversée de la mer sur un petit bateau (paiement pour la traversée et pour un guide), environ 1 heure de traversée, pour atteindre la jungle de la forêt Darien au Panama. On a rejoint d’autres migrants pour la traversée de cette jungle qui a été un vrai cauchemar et a duré 8 jours ; chaque jour une marche de 6 heures du matin a 8 heures du soir, au début à travers des zones montagneuses avec des falaises de chaque côté, au bout de 3 jours il n’y avait plus de réserves de nourriture ni d’eau potable. Une nuit des bandits avec des armes lourdes nous ont braqués, ils ont volé l’argent, des téléphones, des vêtements. Beaucoup de gens étaient épuisés, déshydratés, il y avait des femmes et des enfants dans le groupe. On a atteint une rivière et beaucoup se précipitèrent pour boire ; j’ai vu 2 corps dériver dans cette rivière et ai été incapable de boire cette eau. La traversée de la forêt a continué, laissant de temps en temps en arrière ceux qui ne pouvaient plus avancer, et découvrant pas endroit des morts, dont des enfants, abandonnés le long du chemin. Le 8-ème jour, la délivrance à la sortie de la forêt, des militaires ont porté secours à notre colonne de migrants, mais la nourriture n’était pas gratuite…On a pu prendre contact avec nos familles et nos soutiens pour demander d’envoyer de l’argent afin de pouvoir continuer le voyage vers le Mexique.

La traversée du Costa Rica, Nicaragua et Honduras s’est faite facilement en bus, mais là encore mes pieds ont gonflé. Puis il a fallu payer un guide pour traverser le Guatemala et la frontière mexicaine et arriver dans la ville de Tapachula. Là il y a déjà des milliers de migrants en attente de papiers légaux pour pouvoir continuer leur migration, beaucoup de gens dorment sur les places publiques car les logements sont rares, il n’y a pas de travail…J’ai eu la chance de pouvoir partager un logement sommaire avec une famille haïtienne déjà sur place. Je dois encore attendre quelques mois pour avoir les documents légaux me permettant d’aller aux Etats Unis où une Tante éloignée accepte de me prendre en charge. Dès que j’aurai mes documents, je devrai faire la traversée du Mexique du Sud au Nord, pour rester quelques jours dans une ville frontalière avec les Etats Unis, finir les démarches administratives, traverser la frontière et prendre l’avion pour rejoindre ma Tante…J’ai déjà dépensé plus 4000 USD pour réaliser ce long et difficile trajet (paiement des bus, des passages de frontière, des guides, du bateau, de la nourriture, vol dans la forêt). Le but est proche maintenant»