Les chroniques de Jorel François

Directeur du Centre Lacordaire

Suite de la saga Haïtienne

D’abord en ce qui a trait aux infortunes naturelles, selon le Bureau des Mines de Port-au-Prince, la terre a tremblé quatre-vingt-onze fois au mois de janvier et cent dix fois au mois de février en Haïti. Aucun chiffre exact, à notre connaissance, n’a été encore rendu public pour le mois de mars, mais ce n’est pas parce que les tremblements de terre ont cessé. Depuis le séisme de  terre de 2010, les failles qui traversent la partie relevant actuellement de la République  d’Haïti sont entrées en activité. Et comme le laissent bien entendre les chiffres, les tremblements de terre y sont désormais une donne avec laquelle il faut aussi quotidiennement compter.

Ensuite, depuis le début de l’année 2023, plusieurs incendies d’origine criminelle ont saccagé la Forêt des Pins, dans le massif de la Selle. La Forêt des Pins est classée patrimoine naturel d’Haïti. Cela n’a pourtant pas suffi à arrêter les bras et à calmer la folie criminelle des pyromanes. En plus de la Forêt des Pins, des incendies, d’origine criminelle, auraient également eu lieu à La Visite et à Macaya.

Gouvernement

Le 07 mars dernier, le Haut Conseil de Transition (HCT), une création de l’actuel Premier Ministre, a déploré que ce dernier n’ait pas encore remanié le gouvernement alors que l’accord du 21 décembre 2022 qui a donné lieu à ce dit Conseil avait demandé de le faire.

Le gouvernement aurait pris acte que la Communauté Internationale, qui laissait miroiter la possibilité d’envoyer des troupes en Haïti, ne se presse pas pour le faire. Aussi, le 17 mars dernier, Ariel Henry, Premier Ministre, aurait-il demandé de l’aide à l’armée d’Haïti pour aider la police nationale dans la lutte contre les gangs. Le bruit court que celle-ci serait elle-même de mèche avec les gangsters et que l’armée d’Haïti en voie de remobilisation est sous un embargo officiel d’armes imposé par le Canada et les États-Unis d’Amérique.

Le 31 mars, on a inauguré une plateforme de demande et de livraison de documents d’identité en ligne (baptisée « delidoc ») pour aider à fluidifier les files d’attente et réduire les injustices entretenues par cette dernière pratique. Mais le service ne serait fonctionnel pour l’instant que dans le département de l’Ouest et seuls les Haïtiens vivant à Port-au-Prince peuvent en bénéficier.

Du côté de l’International

Le 24 mars, à l’issue d’une rencontre de 48 heures avec Joseph Biden, Président des États-Unis d’Amérique, Justin Trudeau, Premier Ministre canadien, promet de financer du matériel pour la police d’Haïti. M. Biden, de son côté, aurait parlé de la possibilité d’un retour en force des soldats de l’Organisation des Nations Unies une fois de plus sur le terrain en Haïti.

Le même jour, le Département d’État des États-Unis d’Amérique a rendu public le résumé d’un plan à propos d’Haïti pour les dix prochaines années. Il y serait question entre autres d’aider à restaurer la confiance dans les institutions haïtiennes en s’appuyant sur la Société Civile et les Organisations Non-Gouvernementales.

Le 26 mars, suite au vingt-huitième Sommet libéro-américain, l’actuel Président colombien, Gustavo Petro, se dit concerné par la crise dans laquelle se trouve Haïti pour un double motif : Haïti a aidé une partie de l’Amérique latine à prendre son indépendance d’une part, et d’autre part des Colombiens ont tué récemment le Président Haïtien, Jovenel Moïse. La solution à la crise ne peut se résumer à une aide pour combattre les gangs, estime-t-il. Elle doit aussi comporter une révision de la politique désastreuse mise en œuvre depuis des décennies dans ce pays.

Insécurité

Après Cité-Soleil, Martissant, un quartier de Port-au-Prince, serait devenu une zone de non-droit, auraient reconnu des membres du gouvernement.

Il semble que c’est toute la zone métropolitaine en réalité qui serait sous la coupe des bandits.

Le 06 et le 13 mars dernier, attaque contre des écoles à Port-au-Prince notamment les lycées Marie Jeanne et lycée des Jeunes filles pour exiger leur fermeture. Beaucoup d’écoles restent encore fermées à Port-au-Prince et dans l’Artibonite en raison des groupes armés.

Pendant le mois de mars, l’insécurité n’a pas diminué. Assassinat d’un cadre de la Banque de la République d’Haïti (BRH) – deux policiers tués à Port-au-Prince au début de la semaine du 20 mars et plus de dix-huit personnes par jour seraient mortes par balles.

Le 28 mars, un policier a été tué dans une opération pour empêcher la séquestration d’une dame à Delmas.

Le 29 mars, quelques manifestants, réunis sur la Place de la Constitution pour demander l’application de la Constitution de 1987. D’un autre côté, des avocats du Barreau de Port-au-Prince ont manifesté pour dénoncer le climat d’insécurité qui a trop duré dans le pays et exiger le redressement du système judiciaire.

Le 30 mars : tension et coups de feu à Nazon, Lalue et Christ-Roi. À Vivy Michel et à Fort Jacques, des tirs nourris.

Des tirs ont touché un pétrolier qui débarquait son produit à Varreux, et deux personnes travaillant dans le secteur ont été également touchées. Plusieurs blessés à Tabarre, vers la fin du mois dans un contexte de livraison de passeports.

Toujours le 30 mars, plusieurs victimes en Centre-Ville lors d’une tentative d’enlèvement déjouée par la police.

À la ruelle Berne, à Turgeau (Port-au-Prince), des employés de laboratoires médicaux ont été séquestrés par des bandits. Plusieurs ambulances, avec leurs conducteurs, seraient aux mains des bandits – de Port-au-Prince.

À Port-au-Prince comme dans l’Artibonite, plusieurs milliers de familles continuent de se déplacer en raison des violences faites par les groupes armés.

Par ailleurs, des membres du personnel médical profitent du programme Biden pour fuir le pays en raison de l’insécurité. Le groupe dit de Développement des Activités de Santé en Haïti (DASH) déplore cette situation.

Au mois de mars dernier, des membres du gouvernement ont appelé la population à se défendre. Certains organismes aussi ont rappelé que le code Pénal haïtien (articles 272-274) autorise de s’auto-défendre en cas de pénétration par effraction à son domicile. En conséquence, à Port-au-Prince comme dans l’Artibonite, on assiste de nos jours à la mise en place de groupes d’auto-défense. Mais que peut la population face à des groupes lourdement armés quand la Police Nationale elle-même baisse les bras et détale en leur présence? En plus, n’est-ce pas davantage exposer le pays à la recrudescence de la violence que d’inviter les citoyens à se faire justice par eux-mêmes? N’est-ce pas prendre le risque de faire un pas de plus vers la pente de la guerre de tous contre tous?

Quelques bonnes nouvelles

Proposition au mois de mars dernier d’inscrire la cassave haïtienne, un héritage taïno, au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Cette demande a été faite par Haïti conjointement avec la République Dominicaine, Cuba, Honduras et le Venezuela.

La grève des médecins, à Port-au-Prince, serait sur le point d’avoir un dénouement.

Si les actes de séquestration continuent, il faut aussi signaler, en plus de l’échec de tentatives de séquestration, l’arrestation de plusieurs membres de gang le 10 et 13 mars dernier. Vers la fin du mois : arrestation également de plusieurs bandits à Barradères (département des Nippes).

Réaménagement, à Port-au-Prince, d’un tronçon de route donnant accès au marché populaire de Puits-Blain.

En province, autour du 15 mars dernier, démarrage de travaux d’entretien de la route reliant Port-de-Paix et Cap-Haïtien en passant par Saint-Louis du Nord et Anse-à-Foleur. Il importe de souligner qu’au moins depuis le gouvernement de Duvalier, cette zone est plutôt négligée en ces matières par rapport au reste du pays.

Par ailleurs, toujours à partir de Port-de-Paix, lancement d’un programme national d’éducation à la citoyenneté en milieu scolaire. Fresnel Jean, éducateur, travailleur social, avocat et ancien délégué (fonction analogue à celle d’un préfet) a pris la parole en la circonstance.

Le 27 mars dernier, lancement d’un programme de recensement d’écoles publiques et privées en exercice dans le pays. Près de deux mille écoles seraient déjà inscrites. Le mouvement continuera jusqu’au 28 avril. Ce même jour : libération du curé de la paroisse Christ-Roi à Port-au-Prince. Il avait été séquestré par des bandits.

Dans l’international : comparution d’un présumé complice à Miami le 24 mars 2023. Le présumé complice, qui a plaidé coupable, dans sa coopération avec la justice étatsunienne, après avoir, auparavant, plaidé non coupable dans une première comparution, aurait avoué cette fois-ci avoir financé au moins en partie l’opération qui a conduit à l’assassinat du président Jovenel Moïse en sa Résidence sur les hauteurs de Port-au-Prince le 07 juillet 2021. Il aurait aussi évoqué le nom de plusieurs autres présumés complices.

En France, le 12 mars dernier, Stéphanie Saint-Surin, avocate au barreau de Port-au-Prince, est l’une des lauréates du trente-quatrième concours de plaidoirie organisé par le barreau de Caen. La thématique de son sujet portait sur le non-respect des droits humains dans les prisons en Haïti, à Jacmel en particulier.

Le 30 mars : Raymond Laurent, journaliste radiophonique canadien d’origine haïtienne, a reçu le grand prix Dynastie 2023 pour son engagement journalistique au service de la communauté haïtienne à Montréal.

En Italie, en la Journée des missionnaires martyrs commémorée le 24 mars dernier, la figure de s. Luisa Dell’Orto, assassinée à Port-au-Prince le 25 juin 2022, a été mise en exergue, conjointement avec celle de s. Maria De Coppi, abattue le 06 septembre dernier au Moz