Les chroniques de Jorel François

Directeur du Centre Lacordaire

Quelques nouvelles d’Haïti pour accompagner la rentrée

Sans surprise la crise dont certains des enjeux sont sans doute le démantèlement du pays comme état-nation et le dépeuplement du bassin de Port-au-Prince continue de s’approfondir notamment  dans les départements de l’Ouest et de l’Artibonite mais aussi dans le reste du pays, et cela en raison même du centralisme administratif qui fait que tout ou presque passe par la Capitale. Quand Port-au-Prince est paralysé, le reste du pays en ressent aussi les conséquences.

 

Le 31 juillet dernier, les Haïtiens dans le pays comme dans la diaspora se sont réveillés abasourdis en apprenant la mort subite de Liliane Pierre-Paul, journaliste de renom, arrêtée, emprisonnée, puis exilée sous Duvalier dans les années 1980 et qui, depuis son retour au pays, suite à la chute du régime, faisait audience sur une radio de la Capitale.

 

Le 26 août dernier, des fidèles protestants d’un bidonville surnommé Canaan, né dans les banlieues Nord de Port-au-Prince suite au tremblement de terre de 2010, encouragés par leur pasteur, machette à la main, prétendaient marcher contre un gang qui fait la loi dans cette zone. Chemin faisant et à un certain niveau de la route nationale no 1, vraisemblablement à Lilavois, ils ont été attaqués. Certains sont restés sur les carreaux sous les balles assassines, d’autres ont été blessés ou séquestrés. Le pasteur, pour sa part, se serait enfui, laissant ses ouailles dans la détresse et sous les feux nourris de la mitraille.

 

Plus généralement, les actes de séquestration et les autres types d’injustice qui en découlent continuent un peu partout dans le pays. Les hommes de main continuent aussi d’être alimentés en armes de guerre et en munitions sans que l’on sache officiellement qui tient les manettes de cette vanne comme personne ne sait ouvertement, officiellement qui a assassiné le président Jovenel Moïse bien que certains des présumés complices ont accepté de collaborer avec la justice et de plaider coupables… La population locale, piégée et manifestement condamnée à une mort certaine, est plus que jamais aux abois en attendant que des balles assassines emportent chacun à tour de rôle, à moins que l’ambassade des États-Unis ou du Canada ne donne à tel ou tel son placet et donc ne dise que tel ou tel est qualifié pour prendre l’avion et quitter le pays. Carrefour-Feuilles, un quartier de Port-au-Prince est de nos jours, tels les quartiers du bas-de-la ville, invivable. Des séquestrations, des viols à répétition, des assassinats…

 

Cet été, des personnes massées devant l’ambassade des États-Unis à Port-au-Prince pour protester contre le sort qui est fait au pays ont été dispersées à coups de gaz lacrymogène par des gens dites de la police nationale.

 

Sur le plan international, plusieurs évènements récents en lien avec le pays sont aussi à signaler. Le 14 juillet dernier, le mandat de l’Organisation des Nations Unies en Haïti a été renouvelé pour un an, probablement reconductible, pour le bon travail qu’elle réalise sur les lieux.

 

Rappelons aussi que la zone caraïbéenne projette de mettre en place la libre circulation des personnes et ainsi avoir une situation analogue à celle actuellement en vigueur dans l’espace européen pour désenclaver ces îles et donc en termes clairs faire tomber certaines barrières limitant la circulation des personnes. Mais l’actuel premier ministre haïtien a refusé qu’Haïti fasse partie du projet et sans en donner les raisons. Ce qui signifie, entre autre chose, que les autorités dominicaines ou d’autres pays du bassin de la Caraïbe pourront toujours continuer de renvoyer des ressortissants haïtiens dans l’enfer qu’ils cherchaient à fuir.

 

Vers les 20 août dernier, des militaires du Kenya ont fait une visite de reconnaissance des lieux dans le cadre de l’éventualité d’une intervention militaire qu’on ne cesse d’agiter contre le peuple haïtien tout en sachant que ce dernier en est contre parce qu’elle ne serait pas vraiment ce qu’il faut pour résoudre la crise.

 

Cela étant, à la fin de cette visite de plusieurs jours, le Kenya aurait proposé comme feuille de route de sécuriser seulement les bâtiments de l’État, les ambassades, les routes principales et les ports du pays sans s’occuper de la sécurité du peuple – que la police locale n’assure ou ne peut assurer.

 

Signalons qu’un vote aurait eu lieu ce mois de septembre à l’ONU pour décider de l’envoi d’une force officiellement en soutien à la police de Port-au-Prince, qui serait dirigée par le Kenya. C’est vraisemblablement pour des questions de potentielles mines de cobalt et aussi pour rappeler l’urgence de la dite force que le quartier de Carrefour-Feuilles aurait été ainsi attaqué par les gangs. Mais le vote n’a pas eu lieu étant donné l’absence de plusieurs pays membres.

 

Enfin la République Dominicaine déclare ce mois de septembre avoir fermé ses frontières avec Haïti suite à la décision de la population du Nord-Est d’achever le canal commencé par le feu président Jovenel Moïse qui devait permettre une adduction d’eau à partir de la Rivière du Massacre et ainsi  permettre un peu d’agriculture dans la zone.

 

Il est à remarquer que si ce captage était effectivement réalisé, il serait alors le tout premier fait à partir de cette rivière du côté haïtien, contrairement à la République Dominicaine qui en a déjà fait onze.

 

Beaucoup d’Haïtiens auraient été malmenés et chassés du territoire aujourd’hui dominicain en raison de ces derniers évènements.

 

Normalement l’école devait reprendre en ce mois de septembre, mais on se demande comment cela pourra se faire étant donné la situation, loin de s’améliorer, s’aggrave de plus en plus.