Les chroniques de Jorel François

Directeur du Centre Lacordaire

Le calvaire d’un peuple

Les chrétiens ont fait mémoire des souffrances du Christ vendredi dernier. Conformément à leur  foi, ils ont alors contemplé et prié Jésus, Dieu fait homme, qui a souffert comme tout homme, et même peut-être beaucoup plus, pour rejoindre l’homme dans sa souffrance et l’en libérer, au moins en espérance, en en desserrant l’étau et l’ouvrir sur plus qu’elle-même. Et cela, le peuple haïtien semble l’avoir intégré, et je prends à témoin ce déferlement de gens bravant les rues meurtrières de Port-au-Prince, le 29 mars dernier, pour participer, en la circonstance de la Semaine Sainte, à l’exercice de piété populaire qu’est le Chemin de Croix.

 

Cette foule immense a donc probablement imagé Jésus dans les rues de Port-au-Prince et s’est identifiée à lui, pour ainsi dire, portant sa croix, flagellé, giflé, perclus de plaies béantes, transpercé d’épines et de clous, transpirant le sang, exhalant l’odeur putride des crachats de ses ennemis qui, de leur côté, se croyant triomphants, jubilent et ricanent.

 

En Jésus, le peuple de Port-au-Prince a reconnu l’homme, à genou, cassé, plié en deux, accablé, démoli, victime de la violence, des injustices. L’homme défiguré, le corps raviné, ravagé, brisé; l’âme alanguie, dévastée; meurtri jusqu’au plus profond de lui-même. L’homme, l’ombre de lui-même, l’homme tel que le monde se plaît à le façonner – sans possibilité apparente d’y déceler l’image de Dieu…, pour injurier le Ciel, défier Dieu et blasphémer…

 

Pourquoi n’y aurait-il pas quelques analogies entre Jésus défiguré sous les outrages et les coups de ses bourreaux, entre Jésus, retranché de la terre des vivants, victime de l’injustice, de la violence humaine, et les meurtrissures de la violence et des injustices encore actuellement en cours dans le monde, et en particulier en Haiti? Pascal ne rappelait-il pas que Jésus était en agonie jusqu’à la fin du monde?

 

Jésus souffre aujourd’hui encore, à l’instant même, en tout homme et toute femme injustement violentés, en tout innocent injustement condamnés, en tout peuple malmené et cruellement massacré. Et des Pilate aussi continuent bien sûr de s’en moquer et de s’en laver les mains…

 

Voilà qui invite alors à regarder la vie au travers le culte ou la dévotion qui ne doivent pas être vécus simplement comme une  fin en soi en s’enfermant sur eux-même dans une autosuffisance, mais aussi conduire à la conscientisation et à l’engagement pour plus de justice, de fraternité, plus de paix, plus de vie.

video chemin de croix à Port au Prince

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